Erreurs et imaginaire linguistique à l’ère des réseaux sociaux
Résumé
Selon les diverses approches théoriques qui y font référence, l’erreur linguistique peut être considérée comme le résultat de la non-connaissance des règles du système de la langue – ou de difficultés à les appliquer – mais également comme le produit d’inattentions alors que la règle est connue. Quoi qu’il en soit, si d’un côté l’erreur stigmatise l’imperfection de l’expression, de l’autre elle est aussi le moteur d’une dynamique qui permet de mieux comprendre les phénomènes d’acquisition/apprentissage de la langue et ceux du changement et de la variation linguistiques. Lorsqu’ils ne passent pas inaperçus, les écarts par rapport aux règles du système peuvent donner lieu à des jugements auto - ou hétéro - évaluatifs qui varient selon le contexte de communication dans lequel ils se sont produits. Dans cette contribution, nous nous intéressons aux commentaires auxquels a donné lieu un tweet posté par une ministre française et contenant des écarts par rapport à la réalisation attendue de la norme. L’étude porte sur les discours des journalistes de médias en ligne qui ont répercuté les réactions exprimées sur la plateforme du réseau social Twitter tout en y ajoutant leurs propres commentaires. Les jugements évaluatifs concernant le tweet posté par la ministre témoignent d’un imaginaire linguistique faisant large place à la norme prescriptive. De façon plus générale, il apparait que les commentaires relatifs aux incorrections linguistiques ne sont pas rares dans les espaces de discours numériques, même lorsque ceux-ci ne sont pas consacrés à la langue française. Les forums et réseaux sociaux se présentent ainsi comme des lieux où les individus n’hésitent pas à commenter leurs propres erreurs linguistiques et celles des autres. À travers cette activité métalinguistique, ils révèlent un imaginaire linguistique qui, selon les cas, va des normes communicationnelles aux normes prescriptives.