Arsène Lupin : fantasmes de l’identité
Abstract
Le rapport entre identité et mystification est, depuis l’âge classique, un thème essentiel au sein de la littérature, Maurice Leblanc est sans doute l’écrivain qui a exploité davantage toutes les potentialités de la mystification à travers son personnage, Arsène Lupin, conçu exactement pour prendre au piège ses adversaires. Cet article envisage, au fil de l’analyse de deux romans de Leblanc, notamment 813, la double vie d’Arsène Lupin (1910) et Le Bouchon de cristal (1912), de retracer l’univers du gentilhomme-cambrioleur caractérisé par l’erreur et les détours. Créature double et virtuelle, Lupin qui n’a ni visage ni masque, fuit toute définition et toute interprétation, ainsi vouées à l’échec. Ses aventures ne peuvent que se placer sous le signe de l’erreur : tantôt il trompe ses adversaires, tantôt il est dépisté par les malfaiteurs avec lesquels il rivalise. D’où la mise en scène d’un univers qui, faisant appel à la fausse identification et à l’erreur comme des conditions d’existence, révèle le caractère ambigu et conflictuel du rapport entre l’individu et la société moderne. L’imaginaire de Leblanc s’avère ainsi l’écho des avant-gardes du XXe siècle, qui conçoivent l’erreur comme une stratégie de subversion en mesure de fuir toute classification d’ordre herméneutique et social.